La poétisation de la limite - Rome et ses Renaissances : Art, archéologie, littérature, philosophie Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Camenulae Année : 2018

La poétisation de la limite

Résumé

De prime abord, définir des limites à son désir semble un truisme de la philosophie antique. En effet, l'image d'un sage qui par sa raison contient ses passions et comprend l'ordre naturel de l'univers est partagée par différentes écoles 1. Or P. de Lacy 2 a bien montré comment ce concept de limite élaboré par Épicure jouait un rôle central et unificateur dans la philosophie du Jardin, liant la physique et l'éthique de cette même doctrine, et ce d'autant plus si l'on considère, comme l'a détaillé J. Salem, la limite selon cinq acceptions : « le cardinal d'un ensemble fini, le domaine de variation dont sont susceptibles les propriétés génériques d'un être naturel, le maximum ou le minimum que la nature a assigné à un domaine de variation des étants, enfin la périphérie d'un corps matériel » 3. Autour de la limite épicurienne (en grec ὁρος ou πέρας), traduite en latin par le terme de finis ou de terminus, « la borne », s'élabore donc un champ sémantique riche, si l'on accepte avec elle la notion de borne, de clôture, d'extrémité, mais aussi de régulation et de mesure, le modus, associé à l'idée de tempérance. De plus, l'idée de limite ne pourrait être saisie sans son contraire, l'illimité, avec lequel il entretient une dialectique étroite, et qui porte en lui l'idée d'absence d'ordre. À ces notions, élaborées en prose et en langue grecque par le Jardin, s'ajoute une dimension esthétique supplémentaire dès lors que Lucrèce fait le choix de composer un poème philosophique : convaincu par les écrits d'Épicure, Lucrèce adopte l'éthique du philosophe et élabore une écriture capable d'exprimer la doctrine du Jardin. La dimension physique, éthique et esthétique de la limite se rejoignent alors et se déclinent, à la fois dans le défi poétique d'une écriture performative mettant sur la voie droite du bonheur, le recte vivere, et dans la stratégie de transmission de la philosophie grecque à la civilisation romaine. Un réseau d'images se met en place à travers ces poèmes, qui participent de la poétisation de la limite comme imprégnation et incorporation d'un schème philosophique au langage poétique. Par l'intermédiaire de trois grands poèmes de la latinité : le De rerum natura, ouvertement épicurien, les Géorgiques de Virgile, dans lesquelles le poète instaure un dialogue avec Lucrèce et le met en débat, et les Épîtres d'Horace, où notre poète, retiré à la campagne, s'évertue à trouver un art de vivre, nous verrons donc, à travers la dialectique de l'illimité et du limité, de la métaphore de la ruche virgilienne, et de quelques préceptes horatiens, comment s'élabore une version latine et poétique de la limite épicurienne, dans un objectif de transmission d'un concept philosophique mais aussi dans un but protreptique, celui de proposer un art de vivre.
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  • HAL Id : hal-03187611 , version 1

Citer

Julie Houdenot. La poétisation de la limite. Camenulae, 2018, 20. ⟨hal-03187611⟩
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